Le bal des sorcières
Chaque année, un grand événement exceptionnel
auquel toute sorcière invitée doit se rendre sous peine d'être
sévèrement réprimandée.
C'est, bien sûr, le grand bal de la terrible Férocia, la reine
des sorcières.
A cette occasion, des sorcières de tous les pays sont présentes
:
des noires, des blanches, des jaunes... qui parlent toutes les
langues à la fois !
Dans la salle de réception, un long buffet est installé.
On y voit toutes sortes de nourritures : rôtis de rats cramés,
tartelettes d'araignées,
crèmes de chardons, brochettes de crapauds parfumés aux orties,
gratins de scarabées dorés, etc.
Les sorcières contemplent tous ces plats raffinés avec délectation.
- J'ai un petit creux, je mangerais bien quelque chose, dit
Gloutonne qui défaille.
- Il faut attendre la reine Férocia, ça ne serait pas poli de
commencer avant sa venue : répond Vilaina.
- tu as raison, soupire Gloutonne, mais j'espère que nous n'attendrons
pas trop longtemps...
Je vais me trouver mal devant des mets aussi appétissants !
Nougatine n'est pas de cet avis.
Tout ce qu'elle voit lui soulève le coeur, mais on ne discute
pas des goûts et des couleurs...
Petit à petit, la salle se remplit et devient de plus en plus
bruyante quand, soudain, un coup de gong résonne.
Férocia, la reine des sorcières, apparaît dans une robe en
lambeaux.
Elle est d'une laideur effrayante :
son nez, encore plus crochu que celui de Vilaina (et pourtant !)
rejoint son menton en galoche,
ses oreilles décollées sont immenses et ses yeux louchent tant
qu'il est impossible de savoir ce qu'elle regarde !
- Mes chères amies, hurle-t-elle, je suis bien aise de vous voir
si nombreuses !
Je vous ai réservé une surprise : j'ai invité quelques
monstres à se joindre à nous !
A ces mots, elle frappe dans ses mains :
- Entrez, mes amis !
Intriguées, les sorcières se retournent et voient arriver un étrange
cortège.
En tête de marche le gros Nestor, suivi de Kiki-le-Malin, de
Bibi-le-Crado et de Dédé-le-Bavard.
Les horribles personnages se ruent sur le buffet...
Furieuses, les sorcières se précipitent à leur tour et se
battent pour attraper les brochettes, les tartelettes, les
beignets...
A la vue de ce spectacle, Férocia rit comme une folle.
Quelle pagaille !
au milieu de la salle passent les chiens, chats, quelques rats
effrayés.
Zoé, la chauve-souris cherche sa maîtresse...
C'est alors que l'orchestre se met à jouer.
Les musiciens, presque aussi laid que la reine, utilisent des
instruments bizarres :
le batteur tape avec fureur sur des casseroles, les violons sont
faits de cageots de légumes,
de la contrebasse sortent des sons caverneux... à vous donner la
chair de poule.
Un trompettiste souffle dans un grand entonnoir...
Le chef d'orchestre saute comme un cabri à chaque mesure et
donne des coups de baguette au guitariste, qui se balance.
Horribilus, le roi des monstres, entraîne Férocia dans un rock
endiablé tout autour de la salle.
Nougatine se bouche les oreilles.
Vilaina s'est endormie dans un coin,
Gloutonne, qui a le hoquet parce qu'elle a trop mangé, veut
sortir de ce cauchemar au plus vite.
Elle s'apprête à quitter les lieux quand, tout à coup, un
bruit énorme retentit...
Le lustre gigantesque vient de tomber juste au moment où la
reine Férocia commençait un rap avec Horribilus,
le roi des monstres.
L'orchestre s'arrête.
Les danseurs s'approchent du lustre :
Férocia et son cavalier, aplatis sur le sol, ne bougent plus.
- Tant pis pour elle ! Elle était trop méchante ! déclare
Ronchonne, la sorcière jamais contente.
- Tu connais des sorcières gentilles, toi ? demande Affreusine
en ricanant.
- Heu, oui... Agatha ! répond Bougeottte.
- Et Nougatine... ajoute Gloutonne. Elle fait de si bons gâteaux
!
Pendant ce temps, les monstre s'affairent pour déplacer le
lustre.
Bientôt, Férocia et son cavalier apparaissent... aplatis comme
des crêpes !
- Aidez-moi à me relever ! crie la reine en colère.
Mais, aussitôt debout, elle retombe comme une carte.
A son tour, Horribilus est relevé et retombe de même.
Ils sont trop aplatis, ils ne pourront jamais tenir sur leurs
jambes. Que faire ? murmure la grande Adolphine.
Pour une fois, Bougeotte demeure immobile.
- Qu'est-ce que tu as ? demande Vilaina, inquiète.
- Je réfléchis, répond Bougeotte. Je crois que j'ai une idée.
- Pas possible ! s'exclame Adolphine.
- C'est très simple, explique Bougeotte.
On va coller Férocia et Horribilus sur des cartons très solides
et les exposer dans la grande
salle du château comme des tableaux.
- Je ne veux pas être collée ! hurle Férocia, qui a tout
entendu.
- Moi non plus ! crie Horribilus, vert de colère.
- Il faut vous faire une raison, glousse Adolphine.
- Vous ressemblez à des galettes, mes pauvres amis, dit Bibi
Crado.
A ce moment, Bougeotte apporte de la colle et des cartons.
- Non, non ! Au secours ! hurlent Férocia et horribilus.
Mais sorcières et monstres font la sourde oreille...
En quelques minutes, la reine des sorcières et le roi des
monstres sont collés sur les cartons, puis fixés au mur.
- Voilà ! Ils sont sages comme des images, dit Nougatine.
- Et ils ne pourront plus faire de mal... murmure Ronchonne.
Comme le jour se lève, les sorcière se précipitent sur leurs
balais afin de retourner chez elles.
Bagada, la sorcière africaine, sur son éléphant volant, Agatha
dans son fauteuil,
Ping-Pong avec son balai, Karabassen et sa mouette rieuse...
Toutes s'élèvent dans le ciel en agitant les mains :
Au revoir ! Goodbye ! Ciao ! Adios ! auf Wiedersehen !
Si un jour, vous vous promenez sur le Mont Chauve, n'oubliez pas
de visiter le château des vampires.
Entrez dans la salle de réception. Ne soyez pas étonnés...
Le grand lustre gît par terre... Sur un mur, face à l'entrée,
deux portraits sont accrochés.
si vous vous approchez, vous remarquerez que ces personnages
immobiles ont l'air de parler.
Leurs bouches s'ouvrent et se ferment...
Prêtez l'oreille... Vous pourrez entendre alors :
- Décrochez-nous ou nous vous changerons en crapauds !
Surtout, ne les décollez pas !
Si vous leur rendez la liberté, ils pourraient vous changer en
crapaud à cornes, en serpent à ressort,
en mille-pattes boiteux ou en cafard géant... Qui sait ?
(Jacqueline Pierre)